Il y a des pièces qui ont marqué les mémoires. Première création chorégraphique d’Angelin Preljocaj pour un grand ballet, Roméo et Juliette en est une. Quand il revisite en 1996 le drame shakespearien, le chorégraphe bénéficie déjà d’une belle reconnaissance. Acteur important de la nouvelle danse française qui émerge dans les années 80, Preljocaj impose une écriture d’une richesse inouïe. Son Roméo et Juliette plonge Shakespeare dans un état d’urgence et transforme avec force et radicalité la discorde familiale en affrontement social entre deux familles, l’une de nantis et l’autre de démunis. Ancrée dans un pays totalitaire, cette vision politique oscille entre West Side Story et Orange Mécanique. Angelin Preljocaj s’est entouré de fidèles compagnons de route : le dessinateur Enki Bilal pour le décor et Goran Vejvoda pour la partition électronique qui accompagne les notes de Prokofiev.

Alternant les mouvements d’ensemble parfaits et les duos sensuels, ce Roméo et Juliette fait triompher avec lyrisme le droit d’aimer. Sur le plateau, les corps des deux amants d'aujourd'hui s'enlacent éperdument et laissent le public au comble de l'émotion jusqu'à la scène finale.