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Manège, scène nationale - reims

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Marie Meyer

indiscipliné cabaret présentation

Par Camille Paillet


Depuis ses balbutiements artistiques au sein des tavernes au XVIIIe siècle, le cabaret s’inscrit à la marge de l’histoire des spectacles. Qu’il emprunte à la scène underground ou de divertissement, le cabaret résiste aux tentatives de définition, s’ouvre à toutes les disciplines artistiques et invite à décentrer nos regards en se prêtant au jeu de l’indiscipline. Cette rencontre autour du cabaret convie chercheur·es, artistes, professionnel·les de la culture et du spectacle à se pencher sur la nature indisciplinée du cabaret.

Indiscipliné cabaret

L’indiscipline, un concept opérant 

Fil rouge de cette rencontre, l’usage du préfixe in dans le mot « indiscipline » est porteur d’un double sens qui marque le caractère fuyant du cabaret.

In- discipline définition 1 : à l’intérieur de la discipline 

Espace d’expérimentation artistique, le cabaret offre un cadre d’expression propice à l’essai, au hasard, voire à l’accident théâtral. La recherche autour de l’improvisation et le jeu de détournement des conventions nourrissent les dynamiques de création et participent pleinement à l’évènement cabarétique. Cette scène émancipée où les genres sont librement associés heurte ou se heurte aux arts disciplinaires. Sous le mode de la citation, de la parodie ou de la satire, la référence aux arts majeurs n’est pourtant jamais très loin. Si les mouvements d’emprunt du théâtre vers le cabaret sont désormais mieux connus, la nature indisciplinée du cabaret fait aussi l’objet de convoitise et s’infiltre dans l’ensemble des arts scéniques.

In- discipline définition 2 : en l’absence de, contre la discipline

Espace de contestation des normes, qu’elles soient de l’ordre du poétique ou du sociétal, le caractère indiscipliné du cabaret renvoie ici à l’idée d’un rejet de tout processus disciplinaire. Une fonction prêtée au cabaret depuis ses origines qui déplace les frontières du permis et du licite en provoquant les règles de la bienséance. Cette dimension critique s’active dans un rituel de transgression où la sollicitation du public est essentielle et partie prenante de la performance. Ses versants provocateurs, voire politiques se retrouvent par l’irrévérence autour d’un rire commun, qu’il soit ironique, idiot, vulgaire ou tragique.


Trois axes de recherche autour du cabaret indiscipliné 

Les lieux de l’indiscipline 

Estrade de fortune au fond d’un bistrot ou au sous-sol d’un restaurant, scène exiguë accolée à un dancing ou à un club, l’histoire du cabaret révèle sa position marginale dans la topographie des divertissements. À l’appui de cet héritage, cette session interroge les lieux contemporains du cabaret indiscipliné selon deux perspectives. La première s’intéresse à la dimension performative du cabaret dans laquelle l’espace de représentation déborde largement le contexte dans lequel a lieu l’expérience. Comment la mise en scène cabarétique est-elle configurée pour créer les conditions de la performativité et l’illusion de communier entre personnes indisciplinées ? Un second volet propose une réflexion sur les lieux d’exercice du cabaret à l’aune de son intégration récente au sein des institutions publiques et des scènes conventionnées. Nous nous interrogerons notamment sur les moyens et les enjeux engagés par les artistes et les professionnel.les du spectacle pour produire et diffuser du cabaret aujourd’hui.


L’impertinence au cabaret 

Par ses ressorts performatifs, la singularité de ses créatures et le contenu satirique de son répertoire, le cabaret fait de l’impertinence son haut lieu d’expression. Cette dimension libertaire joue sur l’affranchissement des conventions artistiques, l’inversion des valeurs sur le modèle carnavalesque et la revendication d’une certaine émancipation sociale. Une insolence qui s’exprime par l’écart et l’excès positionnant ainsi le cabaret à la fois dans le champ du divertissement et de l’art engagé, second terrain de l’indiscipline que cette rencontre propose d’interroger. L’articulation entre la fonction divertissante d’une soirée au cabaret (qui dépasse largement une réception strictement esthétique de l’œuvre) et ses intentions politiques sera l’objet d’une série de questionnements portant sur la diversité des formes d’impertinence au cabaret. Nous nous pencherons plus particulièrement sur les rapports entre comique et politique en interrogeant les pouvoirs transgressifs du rire.


Faire discipline 

S’il n’obéit à aucune règle et marque son refus de faire école, le cabaret s’inscrit pourtant pleinement dans le système économique et politique des spectacles. Son insubordination n’équivaut pas à une anti-discipline, tant il est en prise avec la nécessité d’une légitimation artistique et culturelle encore fragile et une reconnaissance professionnelle à part entière. Ce dernier regard sur l’indiscipline s’oriente sur les enjeux de transmission du cabaret (son histoire, son répertoire, ses artistes, ses théories et ses savoir-faire techniques) au sein des institutions culturelles, des espaces de formations artistiques professionnelles et des universités. Cette session sera particulièrement attentive aux échanges parfois conflictuels entre institution et cabaret, marqués par des formes de résistance face à la tentative de discipliner le cabaret ou au contraire de militantisme revendiquant ses apports pour la création artistique et le patrimoine culturel.


Camille Paillet
Chercheuse associée
Centre d'histoire sociale des mondes contemporains
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/CNRS
https://histoire-sociale.cnrs.fr/camille-paillet/


UR Musidanse
Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis



Bibliographie succincte 

  • Rémi Astruc, Vertiges grotesques. Esthétiques du « choc » comique (roman, théâtre, cinéma), Paris, Honoré Champion, 2012

  • Laurent Bihl, Une histoire populaire des bistrots, Paris, Nouveau Monde, 2023

  • Marie Duret-Pujol (dir.), « Comique et politique chez les modernes et les anciens », Les cahiers d’Artes, n°13, 2017

  • Marie-Christine Lesage (dir.), « Théâtre et interdisciplinarité », Registres, n°13, 2008

  • Olivier Neveux, Contre le théâtre politique , Paris, La Fabrique, 2019

  • Daniel Grojnowski, La tradition fumiste, de la marge au centre, Paris, Cham Vallon, 2023

  • James C. Scott, La domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne, Paris, Éditions Amsterdam, 2019

  • Sheila Whiteley (dir.), « Contre-cultures », Volume !, n° 1, 2012

  • Marine Wisniewski, Le Cabaret de l’Écluse (1951-1974). Expérience et poétique des variétés, Lyon, PUL, 2016