Circassien et plasticien, Vasil Tasevski a travaillé sur le sommeil, les états modifiés de présence et de perception pour donner vie à un univers envoûtant, peuplé d’images à l’étrange poésie. Villes endormies se déploie ainsi comme un moment suspendu, un espace d’altération du temps, une invitation à changer d’état pour ressentir autrement ce qui nous relie au monde et aux autres. Au commencement, il y a trois corps allongés au sol, plongés dans un songe agité, bercés par les mélodies sombres de Lawrence Williams. Comme des peintures mouvantes, vacillant des ténèbres à la lumière, entre la maîtrise et le lâcher prise, les interprètes nous entraînent dans une autre dimension. Sous un plafond lumineux qui est à la fois dispositif scénique, agrès de cirque et espace de jeu, ils évoluent, dansent au plus près des spectateurs installés sur le plateau. Dans la pénombre striée d’éclairs aveuglants, se dessine un jeu d’apparitions/disparitions, d’arrêts sur image, de ralentis, comme pour capturer ce moment de bascule entre réel et rêve. Progressivement, le dispositif lumineux chavire et s’incline vers le sol. Le duo formé par Vasil Tasevski et Élodie Sicard semble alors en apesanteur, tour à tour suspendu ou en équilibre sur cette plate-forme mobile, au rythme de ses amples oscillations. Fait de tableaux aux formes continûment changeantes, ce spectacle enchanteur agit ardemment sur l’imaginaire du public. Et si l’endormissement nous permettait de nous réveiller, à nous-mêmes, dans un autre espace du sensible ?