MARIONNETTE
Avec ce premier spectacle, Blanche Lorentz livre une pièce d’une singularité aiguë où il est question du mythe de Moby Dick, de rage, d'art brut et de mouches ... Un théâtre de la perturbation qui joue du décalage et du détournement pour interroger notre rapport à la marge et à la société. Percutant !
« Tout le monde est au courant de rien ». Cette citation, point de départ du spectacle, suggère d’emblée quelque chose d’insoupçonnable, quelque chose qu’on ne sait pas, ou peut-être quelque chose qu’on ne veut pas savoir… Autant l’annoncer, ce solo ne fait pas dans la tiédeur. Les spectateurs sont projetés dans un espace narratif instable, comme à l'ère volcanique de la création, où les personnages, cachalots, artistes et autres terroristes, foncent droit sur les limites. Il y a aussi une mouche. C’est une mouche apprivoisée qui s’appelle Moby Dick, comme l’énorme baleine qui fracasse les bateaux de pêche en plein océan. Entre théâtre d'ombre et marionnette gantée, Blanche Lorentz déroule un récit drôle, étrange, grinçant, pour interroger la part sauvage qui habite nos profondeurs, celle qu'on ne montre pas, fragile, folle, irrépressible. Dans une esthétique minimaliste, avec des effets délibérément très bricolés, les tableaux s’enchaînent : une ouverture en théâtre d'ombre naïf sur fond de trompette, un exposé sur l'art brut, un rap agressif par un duo en marge, la contemplation de mouches en vol libre (si, si, des vraies) ou encore un meeting ouvert au public pour la préparation d'un attentat au ministère de l'intérieur. Un spectacle-manifeste donc, qui invite à défendre ce qu’il ne faut pas. Âmes politiquement correctes, s’abstenir.